• Gleiwitz, Neudauberg et Baigneux-les-Juifs ….

     

    … sont des villes et villages qui n’ont à priori aucun rapport entre eux puisque situés dans des pays différents. En effet Gleiwitz dont le nom actuel est Gliwice est en Silésie, région de Pologne, Neudauberg est au  Burgenland, la région la plus orientale de l’Autriche et Baigneux-les-Juifs, en Bourgogne, région de France comme vous le savez.  Ces trois lieux ont été réunis grâce à la découverte faite par des personnes de Baigneux dans leur grenier, d’un paquet de lettres de la dernière guerre, adressées à un soldat allemand. Ces lettres (il y en a environ une quinzaine), datées de avril  à août 1940 sont postées de Gleiwitz et Hindenburg, deux villes de Haute-Silésie alors allemandes et qui sont maintenant polonaises.  Ces lettres sont écrites en allemand  et mon amie autrichienne, Doris Wagner-Pirch, professeur de français de son état et habitant le petit village de Neudauberg (un équivalent de Baigneux-les-Juifs mais à la frontière hongroise), a accepté de passer une partie de ses vacances d’été à les traduire, ce dont je la remercie.

    Voici  donc le lien évoqué en préambule.

    Gleiwitz est un lieu important dans l’histoire de la dernière guerre puisque qu’il a été le théâtre d’une mise en scène destinée à donner à Hitler un prétexte pour envahir la Pologne : le 31 août 1939, des SS déguisés en soldats polonais envahissaient la station radio de Gleiwitz et diffusaient un message en polonais appelant à la résistance contre Hitler. C’est le prétexte que cherchait Hitler pour envahir la Pologne, ce qu’il fit le 1er septembre 1939, on connaît la suite …

    Le soldat qui reçoit ces lettres se prénomme Alois, il est marié depuis 7 ans, on peut donc imaginer qu’il a entre 30 et 40 ans. Sa femme écrit de Hindenburg. Sa sœur, dont le prénom est Malchen écrit de Gleiwitz où elle semble résider chez ses parents.

    Alois  est  parti de chez lui en avril 1940. Sa femme écrit le 18 avril 1940 suite à la réception de la première lettre d ‘Alois où il lui dit être dans un endroit où il n’y a plus personne. Il n’est donc certainement pas encore à Baigneux mais peut être dans le nord de la France. Peu d’informations essentielles pour nous dans ces lettres mais des nouvelles de la famille, des amis, de la maison et beaucoup d’informations sur le jardin, les fleurs, le temps qu’il fait ; il a fait très chaud en avril, mais il a gelé au moment des saints de glace, en mai.

    Dans ces lettres transparaissent aussi les inquiétudes de toute famille devant la guerre, l’absence du fils, du frère ou du mari ainsi que les préoccupations de ravitaillement. Alois reçoit des colis de sa famille mais il envoie aussi des produits qui leur manquent : du café, du savon. La violence de la guerre ne semble pas encore très présente dans cet endroit, elle est évoquée à travers l’existence d’un camp de travail où il y a des prisonniers français et anglais et des bombardements de villes allemandes, Bonn notamment.

    Dieu est très présent surtout dans les lettres des parents, la mère commence une lettre par « Gott zum Gruß », dieu soit salué, elle espère que Dieu ne les abandonnera pas et que son fils rentrera bientôt. Même sans Dieu toutes les mères de toutes les guerres ont exprimé ce souhait.

    En juillet, Malchen la sœur d’Alois annonce l’inauguration de la nouvelle piscine à Gleiwitz, elle dit « espérer qu’il viendra bientôt s’y baigner, bien que là où il est il doit certainement se baigner dans le vin ! ».  Elle parle de soldats qui ont regretté de partir de cet endroit, mais elle ajoute que même s’il est bien où il est il aimerait sûrement mieux être chez lui. On peut donc penser qu’à cette époque Alois est bien en Bourgogne !

    Les lieux où se trouve Alois ne sont jamais nommés, il y a d’ailleurs un brouillon d’une de ses lettres datée du 1er août 1940 où le lieu indiqué est « Westen »,  à l’ouest.

    On trouve aussi dans ce paquet de documents,  un imprimé contenant des articles sur les devoirs que tout soldat allemand devait savoir par cœur.  Ces articles parlent de courage, d’obéissance, de camaraderie, d’honneur, de dévouement à la patrie jusqu’au sacrifice de soi-même , modestie, fidélité, respect de Dieu etc…

    Qu’est devenu Alois,  soldat parmi tant d’autres, envoyé loin des siens, de son jardin dont il s’inquiète fréquemment,  pour une cause qu’il n’a peut être pas soutenue ?

     Pourquoi n’y a t’il pas d’autres lettres ?

    Que sont devenus tous les gens dont il est question dans ces lettres ?

    Comment ces lettres se sont-elles retrouvées dans ce grenier ?

    Autant de questions auxquelles nous ne pouvons donner de réponse.

    A la fin de la guerre, alors que Baigneux voyaient arriver les américains, les lieux de l’est comme Gleiwitz et Neudauberg  étaient occupés par l’armée russe.

    Pour Gliwice, je ne sais pas encore, mais aujourd’hui il fait bon vivre à Baigneux-les Juifs et à Neudauberg.

    Catherine Etienne

    Un grand merci aux personnes qui nous ont confié ces lettres nous permettant ainsi d’évoquer l’occupation allemande à travers cet homme que sa famille aurait préféré ne jamais voir partir.

    Les espérances, les souffrances exprimées rappellent la mémoire des soldats de toutes nationalités, occupants ou libérateurs qui ne sont jamais revenus

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