• La mort du petit Suisse

    Le 30 mars 1658 est un samedi, c’est jour de marché à Baigneux mais ce n’est pas le bruit des marchands s’installant sous les halles qui ont éveillé Antoine Lacoste chirurgien et apothicaire car il n’a guère dormi cette nuit ni celle d’avant d’ailleurs. Le souvenir de ce jeune suisse le poursuit. Qu’aurait-il pu faire d‘autre ? Aurait-il pu le sauver ? Même son confrère Edme Guénebault chirurgien à Cessey lui a affirmé qu’il n’aurait rien pu faire. Pourtant quand Claude Béguin l’hôtellier de la Croix de Fer est venu le chercher hier matin vers 5 heures parce qu’un de ses clients se trouvait mal, il s’est transporté en hâte avec ses instruments.

    Il a trouvé un jeune homme d’une vingtaine d’année qui se plaignait d’oppression respiratoire. Ses compagnons interrogés , lui ont dit qu’ils retournaient chez eux, à Bâle en Suisse après un voyage d’affaire en Angleterre, qu’ils étaient arrivés la veille et avait pris logis à la Croix de fer vers six heures du soir, y avaient soupé avec deux autres clients et que leur ami semblait bien se porter. Dans la nuit il s’est agité et a commencé à se plaindre et à étouffer. C’est donc après s’être concertés qu’ils ont réveillé l’hôtellier pour lui demander de l’aide. Immédiatement Claude Béguin est venu le quérir, lui, Antoine Lacoste, celui qui connaît les maladies et les remèdes.

    Après avoir pris la mesure du mal, il a immédiatement appliqué le meilleur remède qu’il connaisse pour ces symptômes : un lavement. Malgré donc ces soins rapides et compétents, le jeune homme est décédé peu après.

    Il a fallu informer Daniel Armedey, le procureur du roi, qui est venu avec le greffier Bernard Boilleau et un des sergents de la prévôté, Claude Nauldot, pour constater le décès, procéder à l’inventaire des biens du défunt et pourvoir à sa sépulture.

    Un décès un peu soudain est toujours un peu inquiétant, c’est pourquoi le procureur du roi a ordonné que le corps du jeune suisse soit examiné intérieurement et extérieurement par deux chirurgiens pour déterminer la cause du décès. A Antoine Lacoste s’est joint Edme Guénebault, autre chirurgien compétent puisqu’il a bénéficié de l’enseignement de son beau-père Jean Loriot (estimé par tous pour ses talents de chirurgien qu’il a longtemps exercés avant de se consacrer depuis environ 2 ans à sa charge de maire de Baigneux).

    Les deux hommes de l’art ont donc procédé à l’examen et c’est  après avoir longtemps discuté qu’ils ont conclu, car leur diagnostic est sûr maintenant : ce jeune homme est mort d’un débord de cerveau qui se serait jeté dans la capacité de la poitrine.

    Le procureur du roi est donc rassuré sur la cause du décès, mais il doit maintenant faire face à un autre problème, en effet ces voyageurs suisses sont protestants et la mise en terre catholique va poser un problème.

    C’est Daniel Maurice, le notaire qui fait actuellement office de prévôt parce que Jean-Baptiste Beguin est absent qui devra statuer sur le sujet et certainement imposer à tous que ce jeune homme soit enterré dans le cimetière bien qu’il soit de la religion prétendue réformée.

    Donc Antoine Lacoste revit maintenant cette longue journée d’hier et malgré les propos rassurants de son confrère, il ne peut s’empêcher de repenser aux symptômes que présentait le jeune homme. Et il se prend à douter du remède qu’il lui a administré.

    Aurait-il du plutôt lui faire une saignée ?

    Mis en forme à partir d’un fait extrait  des registres du greffe de la prévôté royale de Baigneux-les-Juifs (AD21 BII299)

    La trame est réelle, la description clinique, le diagnostic et le remède également, seule la conclusion est inventée.

    Catherine ETIENNE/Geneviève LEFEBVRE


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